Alexandre-Gabriel Decamps, né à Paris le 3 mars 1803 et mort à Fontainebleau le 22 août 1860, est un peintre, dessinateur, graveur et lithographe français. Une partie importante de son œuvre est conservée au Musée du Louvre, au Musée Condé de Chantilly et à la Wallace Collection de Londres.
Né à Paris d’une famille d’origine picarde, Decamps passe en compagnie de ses frères trois ans de sa jeunesse à Arsy (Picardie), où son père l’a envoyé afin de faire « l’apprentissage de la vie rustique », selon la lettre autobiographique que l’artiste adresse en 1854 au docteur Louis Véron et publiée par celui-ci dans les Mémoires d’un bourgeois de Paris. Outre le goût de la nature, il en garde un intérêt pour le dessin suscité au contact des petits paysans qui taillaient par jeu d’ « informes figures de craie », mais « le génie ne se révéla pas ».
À la mort de son père, en 1816, il retourne à Paris et entre dans l’atelier d’Étienne Bouhot, un peintre d’architecture auprès duquel il essaie de se former. Il le quitte en 1818 pour étudier sous la houlette du peintre Abel de Pujol, un tenant de la doctrine académique. Livré à lui-même, « sans direction » ni « théorie », il quitte déçu l’atelier du maître et s’engage dans une carrière d’artiste indépendant. Loin de l’académisme, il trouve son inspiration dans les faubourgs de Paris et les villages de la banlieue, au contact des milieux populaires et du pittoresque de la vie parisienne. Parallèlement, il s’exerce au Louvre à l’école des grands maîtres flamands et hollandais, vouant une admiration particulière pour Rembrandt, « le plus extraordinaire des peintres » (Lettre au docteur Véron).
Decamps fait ses débuts comme peintre de genre : Arabes devant une maison (1823), Chasseur au marais (1827), Les Janissaires (1827), marquant une attirance pour la nature et les sujets orientaux. Soucieux de perfectionner son art, il voyage en Suisse et dans le midi de la France (1824). Il expose pour la première fois au Salon en 1827 avec « La Chasse aux vanneaux » et « Soldat de la garde du Vizir ». En 1828, il est envoyé en mission en Grèce en compagnie du peintre Louis Garneray, chargé de commémorer par un tableau la victoire de Navarin, et poursuit un périple qui le conduit à Constantinople, en Asie mineure (Smyrne) et au Moyen-Orient. Cette expérience sera décisive. Au cours de son séjour, il prend des notes, réalise des croquis et emmagasine les images avec lesquelles il façonnera à son retour sa vision de l’Orient, devenu une source profonde d’inspiration.
Au Salon de 1831, il expose avec succès sept toiles, dont Cadji Bey ou la Patrouille turque, dans laquelle il peint avec vivacité le chef de la police de Smyrne et ses gardes parcourant au pas de charge les rues de la ville. On observe l’extrême stylisation des figures, la vigueur du coloris ainsi que le contraste accentué entre les zones claires et les sombres. Ce tableau très remarqué valut à l’auteur une médaille de seconde classe, sa première distinction. Avec Cavaliers turcs à l’abreuvoir et Les mendiants (Salon de 1833), puis Corps de garde sur la route de Smyrne (Salon de 1834), il assoit définitivement sa réputation d’ « inventeur de l’Orient ».
Dans ses premiers essais, on pouvait remarquer sa prédilection pour la peinture des animaux, en particulier les chiens, que l’on retrouve avec L’Âne et les chiens savants et L’Hôpital des galeux (Salon de 1831). Il cultive une non moindre passion pour les singes, assimilés à des personnages humains, suivant une tradition héritée de Teniers et continuée par Chardin. Le Singe peintre ou Intérieur d’atelier (1833) wga.hu montre un singe savant en costume de cirque peignant un tableau placé devant lui ; il a l’air absorbé, presque méditatif. Au fond, un petit singe, le dos tourné, broie des couleurs. Dans cette mise en scène très réussie, Decamps portait un regard distancié sur son art. Il y aura aussi, dans la même veine, les singes musiciens, cuisiniers, boulangers, charcutiers, ouvriers, etc. Les experts, tableau exposé au Salon de 1839, mérite une mention spéciale. Travestis en singes, ils imitent l’attitude des juges chargés d’estimer la valeur des œuvres. Façon pour l’auteur de dauber les vrais experts qui lui avaient refusé certaines pièces ? Cette « parodie spirituelle », exécutée avec brio, fut considérée comme l’une des meilleures toiles du maître.
Decamps sera-t-il connu comme le « peintre des singes », ainsi qu’il se désigne dans sa lettre au Dr Véron avec un humour teinté d’ironie amère ? En réalité, ce n’est pas la première fois qu’il usait de cette forme d’esprit si importante dans son œuvre : de 1827 à 1831, il s’était fait remarquer par ses dessins satiriques publiés dans Le Figaro, L’Artiste, et surtout La Caricature, le journal de Philipon. Dans ses lithographies politiques, il avait fait preuve d’une ironie mordante qui lui valut alors une grande popularité.
En 1834, Decamps envoie au Salon son œuvre la plus célèbre, La Défaite des Cimbres ou Marius défait les Cimbres dans la plaine située entre Belsannettes et la grande Fugère. Cet ample tableau qui représente le combat entre les deux armées produit une vive impression par son effet dramatique. Mais on est surtout frappé par la grandeur aride du paysage qui l’entoure. L’inextricable mêlée apparaît sur un plan secondaire par rapport au théâtre de la bataille, inspiré à l’artiste par le décor du massif des Maures, en Provence, auquel il donne des proportions épiques. « Le théâtre de la bataille, est plus étonnant, plus superbe que la bataille elle-même » (Charles Blanc). Avec ce tableau aux dimensions inhabituelles chez l’artiste, Decamps pouvait prétendre à la grande histoire, tandis que l’œuvre devenait un point de repère pour ses contemporains. Decamps reçut une médaille de première classe ; le tableau fut acheté par Etienne Arago, puis revendu au duc d’Orléans.
Après ce coup d’éclat, Decamps n’exposera pas au Salon avant 1839. Entretemps, il fait un voyage en Italie (1835), le « pays des merveilles », et étudie les œuvres de Raphaël et Titien.De 1835, date aussi le tableau Les danseurs albanais (Brest, Musée des Beaux-Arts). La période qui suit est particulièrement créative. En sortiront notamment Joseph vendu par ses frères (1835), Le Supplice des crochets (ca1835), Enfants jouant avec des tortues (1836), Moïse sauvé des eaux (1837), Paysage avec le bon samaritain (1837), Rue d’un village en Italie (1838), où les sujets bibliques mêlés aux thèmes orientaux complètent son image de l’Orient. Plusieurs de ces tableaux seront exposés au Salon de 1839. Parvenu au sommet de son art, Decamps est promu chevalier de la Légion d’honneur (27 juin 1839).
Dans les années suivantes, il continue dans la veine historique avec le Siège de Clermont en Auvergne, à l’époque de la Gaule, et Episode de la bataille des Cimbres, dessinés au crayon (Salon de 1842). Il entreprend une Histoire de Samson en plusieurs épisodes comportant neuf dessins au fusain rehaussés de lavis, d’aquarelle et de pastel, l’ensemble formant un tout « homogène dans sa variété », de l’avis même de l’auteur (Lettre au Dr Véron). Le personnage de Samson, décrit sous l’aspect d’un jeune homme simple démarqué de l’Hercule de la mythologie, est accueilli avec intérêt par le public. Exposés au Salon de 1845, ces superbes dessins comparés à une « longue frise » (Charles Blanc) constituaient l’ultime effort de l’artiste pour accéder à la peinture d’histoire. Cependant, il connaît une certaine incompréhension au Salon de 1846, où plusieurs tableaux lui sont refusés. Le succès est de retour au Salon de 1851 avec notamment Souvenirs de Turquie d’Asie et Eliezer et Rebecca ; il est promu officier (2 mai 1851).
Vers 1853, sa santé se dégrade, il souffre de troubles nerveux et son travail s’en ressent. En proie au découragement, il vend son atelier parisien (avril 1853), livre aux enchères ses œuvres inachevées et se retire dans le midi au Veyrier (Lot-et-Garonne). C’est de là qu’en 1854, il adresse sa lettre au Dr Véron. Il rebondit lors de l’Exposition universelle de 1855 où il présente une large rétrospective de son œuvre comprenant une cinquantaine de pièces ; il reçoit la médaille d’honneur en même temps que Delacroix et Ingres, la plus belle des consécrations.
Dans les dernières années de sa vie, il entreprend de grandes toiles qui resteront en partie inachevées. En 1857, il s’établit à Fontainebleau, son « pays d’affection », où il retrouve un environnement propice au travail. Parmi les œuvres de cette époque, on peut citer Le laboureur, effet du matin (1857) et Le chercheur de truffes (1858), qui manifestent un nouvel intérêt pour la lumière. Sa mort survient à Fontainebleau le 22 août 1860 des suites d’une chute de cheval lors d’une chasse de la vénerie.
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